Cadre RG (manque angle inférieur gauche), dim. 55 x 38,5 cm. La vie et la carrière de René Teil. René Teil est un enfant de la Seine et Marne, avant d’être un peintre de la Seine et Marne. Né à Lieusaint le 10 juillet 1910, dans une famille très pauvre, d’une mère bretonne ouvrière dans une ferme de la commune et d’un père manoeuvre, d’origine auvergnate, il était l’aîné d’une fratrie de cinq garçons. Après la mort prématurée de son père en février 1920 – emporté par les suites des gaz de combat respirés durant la guerre de 14-18 – il fut adopté par le Tribunal de Melun en janvier 1921, devenant ainsi avec ses quatre frères pupille de la nation. Les artistes de talent font souvent tôt la rencontre avec leur art. La peinture est ainsi entrée précocement dans la vie de René Teil : sa première boîte de peinture lui fut offerte à 13 ans par son instituteur, devenu en raison de l’adoption du garçon par l’Etat celui qui remplissait officiellement le rôle de père. Il avait remarqué les qualités de cet élève. En 1923, après le remariage de sa mère, il quitte Lieusaint pour Moissy-Cramayel, quelques kilomètres à l’est et, en 1926, entre à l’Ecole Normale de Melun où il passera trois ans. Il occupe son premier poste d’instituteur en 1930 à Brie-Comte-Robert, où il rencontre sa première épouse, Denise Goujon. Elle aussi est institutrice. Ils se marient à Chalon-sur-Saône le 11 août 1930. De cette union naîtra un fils unique, André, prématurément disparu en 1986. C’est ensuite à l’école de la Villeneuve, à Chelles en Seine et Marne, que René Teil et son épouse Denise feront toute leur carrière dans l’Education Nationale. Maîtres appréciés autant que respectés ils y enseigneront jusqu’en 1965. Ce terroir marquera durablement la vie du peintre : de très nombreuses toiles et aquarelles, saisissant le bruissement de l’eau et la lumière entre les arbres seront peintes entre Marne et Petit Morin, entre bords de Seine, discrets barrages et secrets ruisseaux. Le Morin à Crécy. A partir de 1928, le travail de Teil et son ambition d’artiste se précisent. Deux documents autographes attestent que Charles Jacquemot a été son premier maître. L’influence de cet excellent peintre, aujourd’hui très oublié mais cependant présent dans l’Histoire de l’Art et dans les banques de données du second marché, se fera sentir tout au long de la vie créative de Teil. Jacquemot a travaillé à l’académie Julian ; il y a rencontré Matisse et connaissait Marquet, en compagnie desquels il a souvent peint sur les bords de la Seine. René Teil gardera une trace ténue mais bien réelle, une influence certaine de ces trois peintres dans l’ensemble de son ouvre. Il est aussi probable que Jacquemot ait été à l’origine de la rencontre de Teil avec le peintre André Dunoyer de Segonzac, dont le travail influencera toute sa vie d’artiste : son amitié bienveillante et protectrice de son talent sera longue, chaleureuse et fidèle. Au début des années 30, René Teil fréquente l’académie Scandinave où professe Othon Friesz. Les premiers carnets de croquis retrouvés datent de cette époque : on y trouve de délicieux portraits de son jeune enfant jetés sur le papier d’un crayon rapide et malicieux, tels que « Didy l’affamé », «Didy et le p’tit ours », ou encore « Didy la grippe » daté du 10 février 1935 ; la même année, un premier autoportrait au crayon annonce déjà cette capacité d’aller à l’essentiel avec une grande économie de moyens propre à tous les maîtres du dessin, alors qu’il n’a que vingt-cinq ans. Mais ces carnets sont aussi le lieu d’une expression plus intime et de ses réflexions sur son propre travail. En témoigne ce texte datant de la même époque, que nous reproduisons intégralement ici, car ce sera l’unique discours théorisé sur l’Art que tiendra Teil tout au long de sa vie, et encore ne l’aura-t-il écrit que pour lui-même. Tout art est un langage. L’artiste, quel qu’il soit, par des sons, par des mots, par des moyens plastiques exprime ce qu’il ressent à la perception de certains aspects de la nature. La valeur de l’ouvre d’art réside dans la valeur du langage employé et celui-ci est fonction de l’émotion ressentie. Un morceau de musique, même descriptive, n’est pas la restitution exacte des sons perçus, de même un tableau ne peut être la copie exacte de la nature, et par nature, j’entends tout aussi bien un paysage, un assemblage d’objets ou un portrait d’êtres vivants. (citant Raoul Dufy, ndla) « Avant tout la peinture est un art des yeux, des sens. Elle a pour base les plus belles couleurs, les plus belles lignes qui se puissent concevoir, belles en elles-mêmes et embellies par leur rapprochement et leurs harmonies. C’est donc un art très matériel. C’est dans son pinceau et sur sa palette que le peintre doit d’abord sa perfection » Dufy dit encore « La peinture est un art de création spontanée, d’improvisations dirais-je ou l’artiste n’est qu’un intermédiaire entre l’inspiration qui veut s’exprimer et la matière de sa vie propre. Il est l’interprète, le traducteur de l’une et l’autre. L’artiste ne peut toucher à son inspiration, il la truquerait et la trahirait, il lui faut la donner telle quelle ». Peindre c’est donc essentiellement s’efforcer de traduire par des moyens plastiques, le sentiment d’un homme à l’égard de la vie. Il est clair que l’ouvre est d’autant plus belle, d’autant plus forte que le sentiment du peintre sera plus vif, plus aigu. Delacroix nous conte dans son journal quelle émotion étreignait son cour de peintre lorsque son modèle cognait à la porte de son atelier. La femme qui allait se dévêtir devant lui allait sans doute avant tout proposer à son génie des formes, des lignes, des couleurs, mais elle demeurait la Femme, avec sa chaleur vivante. Waroquier d’autre part dit : « Peindre avec amour, peindre selon le sentiment qui anime le corps et l’esprit face à la vie. Saisir la vie activement de tout son être, avec une passion turbulente ou dans un calme profond, avec audace, avec rage et colère, ou avec retenue, réflexion, méditation ; avec sensualité ou avec foi et chasteté, peindre dans l’anxiété ou la béatitude, mais jamais en manches de lustrines. Pendant toute la durée du travail, vivre la chose à peindre, la vivre en esprit, la sentir en son corps et que la main serve l’esprit fougueux ou réfléchi, que la main pétrisse de caresses la chair d’une femme, tisse, valeurs et couleurs mêlées ou fondues, les hachures d’un lainage, durcisse le grain serré du métal, construise rudement l’agglomérat géologique du rocher. Que le peintre brosse avec emportement l’homme en colère, se sente soulevé de terre s’il représente un saint, tombe à genoux s’il ose créer Dieu. Voulez-vous que je vous propose après ces fortes paroles qui définissent bien quelle doit être l’attitude du peintre vis-à-vis de son modèle, une image plus familière, mais non moins vraie que les précédentes? Renoir disait : « J’estime que mon tableau est achevé, il fallait que alors que ces fameuses baigneuses, lorsque l’envie me prend d’appliquer des claques sur ces fesses. Tout dans une ouvre d’art digne de ce nom doit rendre la force d’un sentiment, d’une passion. Il faut que les moyens plastiques employés par l’artiste traduisent sa pensée. Il faut que l’on sente l’homme au travers de la toile, que l’ouvre soit un cri que chacun puisse entendre. Ces quelques remarques posées nous permettent déjà de reconnaître une toile ayant quelque valeur artistique. L’ouvre ne sera valable que si elle exprime quelque chose d’humain. Loin de ces copies de la nature de ces tableaux hésitants où ne perce aucune personnalité et qui ressemblent trop à de mauvaises photographies en couleurs. Une forme dans un tableau n’est pas seulement un volume coloré, ce doit être avant tout un fruit, produit merveilleux de la terre, promis au plaisir de l’homme. Il faut que les couleurs employées restituent, exagèrent le verni de la peau, son grain serré, lisse et froid et que sous l’émail des couleurs affirmant la maturité de ce fruit désirable vous sentiez la chair granuleuse et fondante. Il faut que par vos yeux, elle parle à votre ventre. Qu’un tableau flatte l’oil par le choix de ses couleurs, la matière de celles-ci, leur harmonie, l’équilibre des masses et des lignes, la répartition des ombres et des lumières, la douceur et la variété des passages de teinte ; puis alors qu’ayant satisfait vos sens il exalte une idée, un sentiment, voilà ce que l’on doit exiger d’une ouvre peinte. A travers le sujet, à travers l’ouvre on doit sentir l’homme. Van Dongen n’est vraiment grand, que, lorsque dans ses portraits il nous fait sentir toute la préciosité bébête et infatuée de la bourgeoisie ou la fraîcheur de la jeunesse, Dufy n’est un beau peintre que lorsqu’il nous communique grâce à ses arabesques colorées, l’amour de la vie, de la grâce, de la franchise, la passion de ce qui est joie. Vlaminck dans ses paysages orageux aux blancs si purs, si durs où jamais nul homme ne parait, exprime par quelques détails pittoresques la lutte que soutient l’homme contre une nature trop souvent triomphante. Le peintre, par sa toile, exprime ses réactions vis-à-vis de la nature, et son sens de la vie. Mû par l’inspiration, armé de ses pinceaux et de ses pâtes, il va se libérer, crier sa joie trop grande ou sa peine trop vive, communiquer à d’autres ce que douloureusement il ressent. Alors comme une véritable lutte entre ce sentiment, cette passion qui veut s’affirmer et la matière trop souvent rebelle. Et c’est de cette dualité tragique parfois, longue, puissante, que sortira grimaçante l’ouvre d’art. Grimaçante, c’est bien le mot qu’emploie l’esthète Beyson, lorsqu’il dit aux peintres « Faites grimacer le sujet! Grimacer ne veut pas dire ici enlaidir, mais affirmer, préciser les caractères, allonger une taille, épaissir une bouche, dilater les narines frémissantes de l’être avide de saisir la vie ; voir, saisir, rendre saisissable et saisissant l’objet au travers de ce miroir déformant et expressif que doit être l’âme de l’artiste. Elle ne se comprend pas, elle ne se raisonne pas. Ce n’est pas un problème, une équation de lignes ou de couleurs proposées à l’esprit, à l’intelligence, c’est un cri qui s’adresse à nos sens, puis par eux gagne le cour. Devant l’ouvre d’art, vous devez vous sentir saisi fortement, secoué, empoigné littéralement d’une véritable angoisse si là est le sentiment ressenti par l’artiste. Je ne connais personne que la vue du Naufrage de la Méduse de Géricault ou de La Liberté conduisant le peuple de Delacroix puisse laisser indifférent. Que votre poitrine se gonfle, que vos narines aspirent profondément. Que vos yeux s’ouvrent tout grand devant la fraîcheur, la verdeur, la profondeur, la légèreté d’un Cézanne ou d’un Corot! Que l’eau vous vienne à la bouche à la vue d’une nature morte de Vlaminck ou de Matisse, qu’un frisson vous parcourt les reins si vous rencontrez les Dormeuses de Courbet ou les Vénus du Titien. La vie, voilà ce que le peintre, être mortel, essaie d’immortaliser, et toute son ouvre ne doit être que l’affirmation de la vie, qu’hymne profond à la vie! Ne jetez pas sur l’ouvre rencontrée un regard rapide, d’une sympathie condescendante, si l’ouvre a su accrocher votre regard, approchez-vous, et laissez s’établir entre vous et elle une conversation sincère, éloignée de toute convention hypocrite. Par son sujet, sa composition, l’harmonie de ses couleurs, elle vous parlera, calmera vos nerfs fatigués, vous rendra la joie et la Foi, vous fera mieux sentir que la vie est belle et digne d’être vécue. Un commerce habituel avec les ouvres peintes affinera vos sens. « Vous ne passerez plus indifférents devant les collines rondes et fermes comme les seins d’une femme » disait Giono, « devant la masse verte et grisonnante des arbres, devant l’anémone aux pétales gras et lourds, vous sentirez d’avantage l’immense beauté de la nature. Et joyeux, vous trouverez toujours à fortifier votre Joie. Rappelons que René Teil avait vingt-cinq ans lorsqu’il écrivit ces lignes. Le canal à Chelles. René Teil est invité pour la première fois en 1941 dans une manifestation « officielle » : il participe au Salon d’Automne avec deux tableaux, « Brou sur Chantereine » et « Vue de Chelles ». Catalogue du Salon D’automne 1941, p. A propos de ces deux toiles, la revue « Les artistes d’aujourd’hui », sous la plume du critique d’Art Pascal-Levis note qu’ « un excellent paysagiste se révèle dans les ouvres de cet artiste (.). De beaux verts sonores, une large impression d’espace donnent beaucoup d’accent et de relief. (.) René Teil possède un talent vigoureux, plein de franchise, une belle technique s’alliant à des dons très sûrs ». C’est la première fois, à notre connaissance, qu’un critique d’Art reconnu s’exprime sur le travail de Teil, et ce premier Salon d’Automne sera aussi le lieu symbolique où s’annoncent pour lui de nouvelles perspectives, ouvertes par la personnalité de ceux qui l’accompagnent : on trouve en effet cette année-là parmi les Sociétaires du Salon tous ceux qui ont compté ou compteront plus tard dans l’oeuvre de Teil. Matisse, Marquet, Jacquemot, Dunoyer de Segonzac. Mais aussi Cavaillès, Caillard, Brianchon, Planson, Legeult, Limouse, Oudot, Terechkovitch, les huit peintres du groupe désigné ultérieurement comme « Les peintres de la réalité poétique » qui croiseront plus tard le destin et la carrière de Teil. René Teil à Lugny-Les-Macon (1946)En 1942, Teil expose à Paris avec d’autres peintres à la galerie Charpentier, et participe à nouveau au Salon d’Automne. Mais sa carrière ne prendra un véritable élan qu’en 1946, en recevant le premier soutien d’André Dunoyer de Segonzac à qui il était allé rendre visite pour lui montrer son travail. De l’estime d’un Maître dont la notoriété et le prestige sont considérables à l’époque naîtra sur le plan professionnel une caution précieuse et durable pour la stature du jeune artiste, et sur le plan personnel une longue relation protectrice et chaleureuse dont de très nombreux courriers échangés entre les deux peintres témoignent, livrant au passage un reflet original, pris « sur le vif », de la vie des artistes dont le classicisme figuratif prenait l’allure d’une croisade de « derniers survivants » dans la mouvance artistique de leur temps. Courrier d’André Dunoyer de Segonzac à René Teil (1947)(.) Je pense aux jeunes qui comme vous bien doués – sincères – et créant une ouvre authentique – sans bluff – et vraie – vivent une époque de combines et de mensonge en art. Vous avez doublement du mérite à rester pur en prenant l’exemple sur Cézanne, qui a connu l’hostilité académique et la formule « officielle » ennemie de l’art Vrai, et qui a su persévérer toute sa vie. Notre époque connaît un double mensonge : la formule académique de l’école des Beaux-Arts est toujours là ; la formule néocubiste soutenue par les « officiels » est aussi fausse et formulaire que l’autre. La vérité est plus simple. Elle nous a été enseignée par Jean Fouquet, Poussin, Chardin, Corot, Cézanne et même le douanier Rousseau. C’était la ligne pure et vraie. Croyez bien que les combines, le bluff, la publicité, tout cela ne comptera pas dans le temps. Toute ma sympathie pour votre ouvre et pour vous. (Carte postale adressée à René Teil le 4 janvier 1947). Le golfe de St-Tropez le matinMarc Lacruz, qui fut le dernier marchand de Teil, mais aussi son voisin et ami dans le Beaujolais durant de nombreuses années, évoque encore en 2009 l’admiration éperdue que René Teil voua toute sa vie de peintre à André Dunoyer de Segonzac : « souvent, en été, il disparaissait pendant plusieurs semaines sans dire où il allait, mais moi je savais qu’il partait du côté de Saint-Tropez pour travailler aux endroits mêmes que fréquentait Segonzac, s’installait à 50 mètres de son chevalet et sans trop oser adresser la parole à ce peintre célèbre mais néanmoins ami, peignait tranquillement à ses côtés ». C’est aussi Segonzac qui présenta le marchand Jean Baignères à René Teil. Rencontre importante s’il en fut, puisqu’à partir de 1947 et jusqu’en 1981, Jean Baignères se chargera d’organiser toutes les expositions de René Teil. Ce marchand, ami personnel de Paul Durand-Ruel, était le fils du peintre Paul-Louis Baignères qui avait été élève de l’atelier Gustave Moreau, et l’ami de nombreux peintres qu’il y rencontra, dont Marquet et Matisse. On peut supposer qu’il avait aussi connu Charles Jacquemot, le premier Maître de René Teil, puisqu’il travaillait à l’académie Julian à la même époque. Ainsi se dessinait progressivement un réseau de talents et de convictions esthétiques communes autour de Teil, construisant au gré des rencontres une filiation artistique qui influencera toute sa vie de peintre. La fidélité en amitié, une certaine forme de bonne humeur dans la résistance obstinée aux mouvements de modes de quelque nature qu’ils soient, semble avoir caractérisé tous ces artistes et marchands : outre René Teil dont il promouvra l’ouvre et le talent pendant trente quatre ans, Jean Baignères fut aussi le marchand de tableaux de Oudot durant toute sa vie. Caillard et Brianchon, Cavaillés, Planson – tous amis de Oudot – bénéficièrent aussi très longtemps de sa sollicitude et de son travail. La première exposition personnelle de René Teil se tient en 1948 à la Galerie Chardin. Dans sa correspondance du 25 novembre, André Dunoyer de Segonzac lui prodigue quelques conseils en matière d’accrochage, de présentation des toiles choisies. Les courriers de cette époque entre les deux peintres, ou les notes de Teil en ses carnets, sont amusants à lire car on y parle « métier » autant qu’esthétique : « Laissez dire les critiques! Il n’y a de vrai que ce que vous avez vous-même profondément senti », lui conseille Segonzac. Ou encore, à propos d’une toile « La Grande Forêt », l’aîné recommande au jeune peintre « C’est beau, c’est puissant, ça. Mais méfiez-vous du vert émeraude. C’est une couleur qui ne vieillit pas comme les autres. Ça ne baisse pas de ton! Employez des verts faits avec de l’outremer et du cadmium citron ou du cobalt, et du jaune cadmium. Vos verts vieilliront comme vos autres couleurs. Préférez l’ocre rouge au Rouge de Venise. N’employez pas trop d’huile! Il y en a déjà trop dans les tubes ». Plus tard, en novembre 1951, René Teil rencontre André Dunoyer de Segonzac rue des Beaux-arts où il allait acheter des couleurs et ils parlent métier : « Achetez du Blockx! Ce sont les meilleures peintures à l’huile. Signac qui avait beaucoup cherché les couleurs, leurs réactions chimiques, m’avait donné le conseil, je vous le transmets. ». La clairière en automneLe travail montré à la Galerie Chardin semble avoir rencontré un certain succès. En tous cas, il a fait réagir la critique : Jean Bouret, dans la revue « Arts » du 17 décembre 1948, trouve qu’ « il y a chez ce peintre la plus merveilleuse chose qui soit, le sentiment de la nature et l’amour des formes qu’il sous-entend.. couleurs et formes se répondent harmonieusement ». Alors que le grand critique d’art Guy Dornand, dans Libération du 11 décembre, salue « ce magnifique paysagiste dont les labours sentent la terre, ses verdures, ses sous-bois le parfum de l’humus ». C’est d’ailleurs à la suite de cette exposition que Guy Dornand présentera Teil au Prix de la Critique 1949, finalement remporté par André Minaux (les lauréats 1948 avaient été Bernard Buffet et Bernard Lorjou). Il faut aussi souligner qu’à partir de cette première exposition personnelle, l’estime, le soutien et l’amitié de Guy Dornand ne feront jamais défaut à René Teil, sa vie durant. René Teil et sa petit fille ZounetteRené Teil expose à nouveau seul à la Galerie Allard en 1952. Une des toiles exposées – « le champ d’avoine » – est achetée par l’Etat. (elle se trouve aujourd’hui à Rodez, dans la préfecture de l’Aveyron). L’essor de sa carrière désormais se confirme. Il participe à une exposition de groupe présentée à Montpellier, Nîmes, Toulouse, Casablanca, qui réunit les paysagistes André Planson, Roland Oudot, Christian Caillard, Jules Cavaillès, Arthur Farges, Poncelet, Gabriel Fournier. Certains de ces peintres seront à partir de 1949 connus sous le nom de groupe des « Peintres de la Réalité Poétique ». En février 1954, il expose au pavillon Marsan dans le cadre du « Grand prix de peinture E. Othon Friesz » une toile intitulée « Devoirs de vacances ». Trois mois plus tard, il compte parmi les jeunes talents d’une exposition qui se tient à Crécy en Brie (aujourd’hui Crécy-la-Chapelle), et on retrouve dans le Figaro du 26 mai 1954 sous la plume de E. Collot quelques impressions de l’époque sur cette manifestation, jugée ainsi l’une des « plus valables qui ait été produite depuis bien des années en Ile-de-France ». René Teil y partageait les cimaises avec des peintres parmi les plus connus de son temps : André Dunoyer de Segonzac, Suzanne Valladon, Raoul Dufy. Le Grand Morin à St-GermainLes « trompettes de la renommée » avaient-elles commencé à sonner dans son atelier, et ce bruit lui aurait-il fait peur? Toujours est-il que sur son travail et sa vie plane alors un vide de quelques années que ni ses descendants et héritiers ni nous-mêmes ne sommes parvenus à combler. On sait toutefois qu’il travaille beaucoup, sur les bords de la Seine et de la Marne, aux côtés d’autres peintres, certains déjà très célèbres. Dans le Beaujolais aussi, durant les vacances scolaires, où il avait acheté en 1949 une maison dans le village de Lancié, près de Villefranche sur Saône, terroir familial de son épouse Denise qui l’accompagne souvent dans ses excursions de peintre de la nature. Plus tard, ce sera sa petite fille, aujourd’hui capable de retrouver avec précision les lieux de ces paysages posés sur la toile ou brossés à l’aquarelle, d’identifier les verdures et les eaux de son enfance. Car René Teil peint son environnement, ce qu’il aime, ce qu’il voit. Au gré des saisons il peint, il peint – dans un style qui s’affirme et s’épure – la réalité de ce qui l’entoure. Outre les jeux de lumière dans la forêt ou les transparences de l’eau dans les rivières qu’il affectionne, son travail se nourrit aussi de ses lectures, de ses rencontres avec d’autres artistes – peintres ou écrivains surtout – dans une sorte de « géographie de la création » étirée entre Marne et Seine où d’autres partagent avec lui ce goût de la nature empreint d’une simplicité festive, amicale, chaleureuse, que nous tenterons d’évoquer tout à l’heure. René Teil expose de nouveau à Crécy-en-Brie en mai 1960. D’autres peintres, dont André Dunoyer de Segonzac, sont à ses côtés. Puis il entreprend le seul voyage un peu lointain dont nous ayons la trace : des carnets de croquis élégants, vifs, rapides, sensibles nous indiquent qu’il passe à Delphes, Patras, Mykonos, Egine puis à Venise durant l’été 1960. L’automne venu, Teil accroche ses toiles du 24 novembre au 12 décembre à la Galerie Framond à Paris, exposition pour laquelle Guy Dornand rédige une élogieuse introduction. « Sept ans d’absence des cimaises de galeries alors que dessins, aquarelles, huiles n’ont pas un seul jour cessé d’être son beau souci, sa vocation majeure. Combien d’artistes disputent-ils à Teil ce record de discrétion protectrice d’un obstiné mais substantiel et noble labeur? Briard de naissance, on lui devra de conserver, fixé sur ses toiles, les sillons roux, l’ocre brun des arbres d’automne, les prés clairs qu’envahissent ou mutilent les banlieues tentaculaires. Seize ans après Dunoyer de Segonzac, à une lieue de distance de lui, il a grandi en bordure de la forêt de Sénart et c’est son terroir qu’exaltent l’architecture solide, la palette exacte de sa pâte. Sous des ciels mobiles, lumineux ou humides, son pinceau patient ordonne la symphonie des verts, la danse des reflets dans l’eau du Morin, le profil des églises rustiques, l’arabesque des routes. Il a foulé toutes les sentes, tous les vieux chemins en terrien qui jamais ne répudiera le conseil de son grand aîné : « si la terre vous colle aux godasses, ne l’enlevez pas! Pour cette exposition chez Framond, la critique montre aussi un vif intérêt comme en témoignent les articles parus dans « Le Peintre », « L’Amateur d’Art », « Les Lettres Françaises », « Libération » ou les « Arts ». Cette année-là, Teil participe aussi au Salon de l’Aquarelle. Plaquette de l’exposition à la galerie Durand-Ruel (1963). Exposition à la galerie Durand-Ruel. En 1961, outre le Salon du Dessin, il est invité à deux expositions dans le foyer du Théâtre des Champs-Élysées en janvier d’abord, puis en février, où il est aux côtés de Marquet, Oudot, Planson, Chapelain-Midy, Brayer. Une forme de consécration arrive enfin en 1963 : son marchand Jean Baignères organise une belle exposition chez Durand-Ruel du 2 au 15 janvier pour René Teil, Jean-Claude Chedal, Jacques Brivot, et Jean Podevin. Dans ce haut lieu de l’Histoire de l’Art, Teil dispose d’une salle entière qui lui est dédiée où il accrochera dix-sept toiles (archives Durand-Ruel, exposition du « Groupe Baignères » ; « cartons verts » de l’Institut national d’histoire de l’Art). Exposition à la galerie Durand-Ruel (1963). De 1963 à 1969, les expositions se succèdent à un rythme soutenu – une ou deux chaque année – parfois dans de prestigieuses galeries comme celle de Marie-Louise André à Paris en mai 1965, où il montre une trentaine de toiles. André Dunoyer de Segonzac lui offre pour l’occasion une jolie préface : « Un art sain et direct, sans aucune formule, sans aucune forme de maniérisme, telle est l’essence et l’essentiel du grand talent de René Teil. Une émotion contenue et profondément sincère devant la nature et la vie. (.) Ayant suivi son talent depuis ses débuts, j’ai toujours été frappé par la continuité de son ouvre qui a pris progressivement plus d’ampleur, sans jamais tomber dans la facilité, l’artifice et les formules du moment : c’est avant tout un art de bonne foi ». Cette année-là est aussi celle des bouleversements : René Teil prend sa retraite d’enseignant et se retire dans sa maison de Lancié, en Bourgogne ; il est aussi frappé par le deuil de son épouse Denise, qui décède au mois de novembre. Deux ans plus tard, Teil épouse en seconde noce Christiane Montagne avec qui il vivra à Viviers en Ardèche jusqu’à la retraite de celle-ci, en 1969. Le couple s’installe alors définitivement à Lancié. L’Ain à ThoiretteProbablement parce qu’il est maintenant libéré de sa charge d’instituteur et dispose de tout son temps pour se consacrer à sa carrière de peintre, l’activité de Teil sera intense durant cette décennie. Pour la seule année 1970, on compte pas moins de cinq expositions, seul ou en groupe, dont une en novembre à la galerie Vendôme, à Paris. De cette période durant laquelle il donne à voir son travail une ou deux fois par an dans de nombreuses villes de France, on retiendra pour Paris la galerie Motte en 1972 et la galerie Weil en 1974 et en 1976, la galerie Malaval à Lyon en 1972 ; le Salon des artistes régionaux à Mâcon en 1976 où il est l’invité d’honneur ; ou encore un salon à Fontainebleau, où il fait don à la ville d’un tableau en 1974. Dans ce foisonnement de manifestations artistiques diverses, trois évènements feront date. Une filiation esthétique évidente reliait les deux artistes, puisque Dufrenoy avait été élève de l’académie Julian, compagnon de Pierre Bonnard, Derain, Emile Othon Friesz, Albert Marquet, Édouard Vuillard, unis autour de la Galerie Druet où il exposera jusqu’en 1934, date de sa fermeture. Ajoutons encore un lien supplémentaire entre ces deux peintres réunis par le Musée de Villefranche : Georges Dufrenoy, comme René Teil, avait des affinités personnelles avec ce terroir du Beaujolais. Ensuite, sa première exposition en 1977 dans la galerie qu’un voisin et ami, Marc Lacruz, vient d’ouvrir à Belleville-sur-Saône : René Teil inaugure les lieux, et de ce premier lien entre les deux hommes naîtra une collaboration professionnelle, puisque Lacruz deviendra le second et dernier marchand de Teil, après la mort de Jean Baignères en 1982. La Saone à GuérinsEnfin, les premières expositions en 1979 avec « les Peintres de la réalité poétique » dont la plupart avaient aussi Jean Baignères pour marchand : la peinture de Teil voyage en Suisse, en Allemagne et aux Etats-Unis en compagnie de celle d’Oudot, Caillard, Planson, Brianchon et Limouse ; et Marc Lacruz expose cinq peintres du groupe avec René Teil dans sa galerie de Belleville-sur-Saône d’avril à août. Nous reviendrons sur les rapports particuliers de Teil avec « La réalité poétique », dont il était très proche du point de vue esthétique. Alors qu’il a soixante huit ans, un âge où approche le soir de la vie, une petite plaquette sur l’ouvre de René Teil est éditée en 1978, pour laquelle l’écrivain de l’académie Goncourt Armand Lanoux, ami de Teil et amateur de son travail (on sait qu’il lui achète des toiles), écrit une longue préface : « (.) Voilà un vrai peintre que je connais depuis un quart de siècle et dont le grand Dunoyer de Segonzac disait (et fort bien) que son art est sain et direct « sans aucune forme de maniérisme ». Au long des années, cet art s’est simplifié, affirmé, et il a su traduire par la matière, l’inestimable poids des choses. La peinture de René Teil se situe dans les eaux de Dunoyer de Segonzac et de Planson, drue, forte, âpre et pleine, fille de Courbet et des maîtres de Barbizon, en prise directe sur la beauté naturelle pas encore magnifiée par l’artiste mais jaillissante, compositions, natures mortes, fleurs, femmes, produits de la terre, vastes paysages qui ont inventé l’écologie bien avant la mode. Cet esprit de raison, Corot jadis l’incarna parmi bien d’autres. Il survit dans l’art de René Teil et prouve que « la matière », si chère aux peintres, est le nécessaire véhicule de l’esprit ». AutoportraitLes deux dernières expositions de René Teil ont lieu à Nantes dans la galerie Mignon-Massart en 1980, puis à Troyes dans la Galerie des Quais où il accroche dix sept toiles du 25 septembre au 18 octobre 1981. La critique le considère alors comme appartenant au « groupe de la réalité poétique ». La maladie de Parkinson dont il souffre depuis 1977 le contraint à arrêter de peindre en 1982. Dans ses dernières toiles, la lutte du peintre contre la maladie est manifeste. René Teil décèdera trois ans plus tard, le 3 septembre 1985, à Macon. Il repose selon ses dernières volontés à Lancié, auprès de sa première épouse, Denise. René Teil a beaucoup vendu au cours de sa vie : que sont devenues ses ouvres aujourd’hui? Certaines sont dans des collections particulières en Europe et aux USA, au Maroc aussi, mais les noms des propriétaires restent à découvrir. Quelques toiles achetées par l’Etat sont à l’inventaire du Mobilier National. Alors que dans aucun musée français nous n’en avons jamais trouvé trace. Cet item est dans la catégorie « Art, antiquités\Art du XXe, contemporain\Peintures ». Le vendeur est « trazbon » et est localisé dans ce pays: FR. Cet article peut être expédié au pays suivant: France.
- Thème: Paysage
- Style: 1940-1960
- Genre: Réalité poétique
- Caractéristiques: Sur toile, Signé, Encadré
- Type: Huile